Mariane Durivage – Stage Pérou 2016
Une montagne.
Si je devais résumer mon expérience péruvienne en une seule image, ce serait celle-ci.
Elles ont accompagné mon séjour du début à la fin. Anodines en raison de leur omniprésence et grandioses pour la même raison. Quatre-vingt-onze jours à les apercevoir à perte de vue, à les admirer, à les contempler en me disant que je dois en profiter, que ces trois mois seront l’une de ces aventures qui changent une vie. Le Pérou c’est une montagne.
Une montagne. Si je devais résumer mon expérience péruvienne en une seule image, ce serait celle-ci.
Une montagne de changements. Ceux-ci ont le plus caractérisé mon séjour en terre péruvienne. Le projet de coopération que nous devions réaliser en est le synonyme même. De jour en jour, notre mandat changeait, nos horaires n’étaient plus les mêmes, nos tâches étaient modifiées. Au final, ces changements nous ont forcés à changer à notre tour, à nous adapter, à lâcher prise, à prendre le temps de vivre.
Une montagne d’incompréhensions, tant de nous-mêmes que des autres. Au plus simple de sa forme, il y a l’incompréhension causée par la barrière de la langue, par la joie de découvrir une culture différente. C’est arriver dans une ville en prévision de la visite du Machu Picchu et se faire dire que l’hôtel dans lequel nous avions réservé n’existe pas. C’est aussi appeler à ce même hôtel, découragé, attendre qu’un employé vienne nous chercher et pour nous annoncer qu’on prononçait simplement mal le nom de l’établissement. C’est accepter de ne pas comprendre.
Une montagne d’attentes. De quinze, trente, quarante-cinq minutes. Envers le projet, mes compagnons et mon voyage lui-même. Des attentes qui se seront concrétisées ou pas, laissant ainsi à la vie le loisir de nous surprendre. Le Pérou, c’est s’installer dans une maison remplie d’étrangers et la quitter en les percevant comme une deuxième famille.
Une montagne de rencontres. Certaines qui ont rendu ce voyage difficile, d’autres qui l’ont transformé en une aventure digne d’être racontée. Ce sont des gens qui te font sentir chez toi dans un pays où tout t’est inconnu. C’est une inconnue qui t’accueille dans sa vie et t’aime d’un amour sincère, comme elle aimerait ses propres enfants. Cet amour s’est observé au travers de portions de nourritures ridiculement grosses, de réveils à coup de cris pour nous annoncer que le déjeuner était prêt, des craintes qui nous paraissaient injustifiées lorsqu’on rentrait tard, de piles de vêtements qui ont été lavés en cachette.
Le Pérou, c’est s’installer dans une maison remplie d’étrangers et la quitter en les percevant comme une deuxième famille.
Une montagne d’incertitudes. Constamment incertaine, tout en étant convaincue d’être à la bonne place au bon moment. Incertaine de tout. Tant du choix de quitter son confort, ses amis, sa famille, son quotidien, mais certaine de le vouloir en même temps. C’est de ne pas savoir comment faire les choses ou encore où aller, à qui parler et décider de foncer quand même. C’est aussi ne pas savoir quoi faire avec la tonne de médicaments que j’ai apportés « au cas où ». C’est le fait de n’avoir utilisé aucun d’eux. Plus que tout, c’est la fierté d’avoir outrepassé ces incertitudes et ces craintes pour vivre pleinement.
Une montagne de frustration. Sur tout et rien. Sur des choses qui seraient normalement passées inaperçues, mais qui prennent ici une ampleur démesurée. D’un autre côté, se développe une complicité qui fait en sorte qu’on partage ces frustrations pour finalement en rire. C’est le fait de toujours informer tout le monde de ses moindres faits et gestes, par mesure de sécurité, parce qu’on voyage en groupe et qu’on est les seuls sur lesquels on peut réellement compter. C’est un détour d’une heure au travers de ces fameuses montagnes pour aller voir la soi-disant plus grosse roche du Pérou. Surtout, c’est de le tourner en ridicule et d’en rire aux côtés de ces gens que j’ai appris à connaître, appris à aimer et qui ont rendu ce périple mémorable.
Le Pérou, c’est aussi l’ascension de ces montagnes. Des hauts et quelques bas, qui nous permettent après coup de mieux apprécier les bons moments, ceux pour lesquels on a décidé de traverser toutes ces frontières. L’amorce de cette expérience se fait remplie d’espoir, de rêve, de volonté. Mes seules connaissances, tant sur le pays dans lequel je vais séjourner que sur la coopération internationale en soi me parviennent d’autres personnes. C’est l’inconnu, c’est la liberté de se faire sa propre idée sur tout ce qu’on se fait raconter. Au début, je me crois capable de tout surmonter, je me veux capable de tout surmonter.
C’est à ce moment que l’on comprend, que l’on voit nos limites, que l’on découvre comment on fait face aux difficultés et comment on décide de vivre.
Puis à certains moments, la fatigue prend le dessus, affectant au passage ma patience, mon émerveillement. On se rend compte que ce n’est pas tout à fait comme on le pensait, que ce sera mieux qu’on le pensait, que ce sera plus difficile qu’on le pensait. Les gens nous manquent, mais en même temps on sait qu’on ne fera que plus les apprécier au retour. Au fond, c’est une petite zone grise. C’est normal. On se rappelle ce qui nous a menés ici. On se rappelle à quel point il est important d’en profiter pendant qu’on y est. Il faut se rappeler que cette montagne semblait mieux que tout, qu’elle m’a donné envie de tout laisser tomber pour y mettre les pieds. C’est à ce moment que l’on comprend, que l’on voit nos limites, que l’on découvre comment on fait face aux difficultés et comment on décide de vivre.
J’aime penser que d’apprécier les petits moments, de forger soi-même son destin et d’y croire fait une différence. Je sais aussi qu’une fois que j’aurai redescendu de cette montagne, ma seule envie sera d’y remettre les pieds, d’en explorer de nouvelles, de retenter une ascension, qu’elle soit différente ou similaire à celle-ci, parce que les souvenirs de cette aventure me rappelleront à quel point je l’ai appréciée. J’ai eu l’opportunité de traverser l’ensemble de ces épreuves, les bonnes comme les moins bonnes, avec des personnes qui me ressemblent. Des personnes pour qui voyager ne se limite pas à jouer les touristes, qui ont ce désir de partager, de faire des rencontres, de comprendre ce qu’il y a d’autre, qui ont la conviction que la vie est bonne. Avec elles, ce voyage a pris tout son sens.