Kim Deslauriers – accompagnatrice Haiti 2016
3h de l’après-midi, assise devant mon ordinateur au travail, coup de barre habituel… je m’ennuie! Je rêvasse de partir au chaud, de sortir de mon confort, de vivre une vie de bohème. J’ai envie de tout sauf de rester dans ma routine du boulot 9 à 5 en plus de l’université à temps partiel qui ne finit jamais. En cours de vagabondage intellectuel, je fouine sur le site QSF.
Je me sens tout à coup remplie d’énergie et d’enthousiasme, je tente le tout pour le tout : je postule pour être accompagnatrice de stage. Mais oui, pourquoi je n’y ai pas pensé avant ! C’est sûr qu’on va me prendre : j’ai déjà été en Haïti, je parle créole, j’ai fait ma maîtrise en intervention de groupe avec des membres de la communauté haïtienne. Je suis la candidate idéale (que je me disais naïvement).
Le temps passe, tout va habituellement tellement trop vite que j’ai presque oublié que j’ai postulé pour une expérience humaine qui allait me changer à jamais. Deux jours avant mes trente ans, je reçois un coup de fil qui m’a permis de joindre mes rêves à ma réalité. Étienne m’appelle :
– Salut Kim ! On a regardé ton CV, on est intéressés à te recevoir en entrevue pour le poste d’accompagnatrice.
Wow ! Dieu existe !
Arrivée là-bas, contre toute attente, c’est moi qui ai eu un choc culturel en premier. Maison exiguë, défraîchie, odeur de pauvreté et cafard en prime. J’étouffe, je fais des cauchemars, je ne me sens pas bien du tout et je me demande même pourquoi j’ai voulu quitter mon confort. J’étais très inconfortable devant ma réaction puisque je ne croyais pas vivre un choc culturel aussi fort et aussi tôt dans l’aventure. Je me croyais immunisée pour y être déjà allée. Ça m’a pris un déménagement et une semaine pour m’en remettre. J’ai accepté l’aide d’une stagiaire, qui m’a fait du bien par son écoute et son non-jugement et j’ai cherché activement des solutions pour améliorer l’état de la maison: ventilateur, chasse-moustiques, moustiquaires, produits nettoyants, etc.
Mais, ce qui m’a vraiment permis de retrouver l’équilibre, c’est lorsque j’ai accepté ma réaction et ma vulnérabilité. J’ai alors reconnecté avec ma force intérieure et j’ai repris confiance en mes capacités d’accompagnatrice. Je n’ai pas besoin de vous expliquer que ça fait jaser d’entendre ton accompagnatrice crier à l’aide au beau milieu de la nuit, de la voir sur les nerfs à chaque fois que quelque chose ou quelqu’un la frôle, qu’elle laisse la porte ouverte de la salle de bain quand elle y entre et j’en passe. Je vous assure, ma crédibilité en a pris un solide coup.
J’ai rencontré plein de situations interculturelles malaisantes, mais j’ai appris à me connaître davantage dans chacune d’elle.
Après avoir surmonté nos petits pépins de confort et avoir ri un bon coup de l’accompagnatrice, les autres difficultés ont été abordées avec beaucoup plus de compréhension, de calme, d’ouverture et d’écoute sur les réalités de chacun des stagiaires. Avec du recul, je me suis aperçue que d’être accompagnatrice, c’est loin de ce que j’avais imaginé. C’est cent fois plus dur, mais mille fois plus enrichissant que je ne l’avais pensé. Je referais l’expérience anytime.
Le seul conseil que je peux donner à une accompagnatrice, c’est de savoir rire d’elle-même et de ne pas trop se prendre au sérieux. J’ai rencontré plein de situations interculturelles malaisantes, mais j’ai appris à me connaître davantage dans chacune d’elle. Merci Mombin pour cette belle leçon d’humilité.